Abraham et sa parole...
Si je viens vers vous aujourd’hui c’est pour une raison précise, vous parler d’un homme dont j’ai fait la connaissance il y a quelque temps déjà. Mais ce qui me fait écrire ce soir c’est l’envie de vous faire découvrir son livre. Pourquoi me direz vous ?…parce que ce qu’il m’a fait lire vaut le coup d’œil à défaut du détour et que j’aimerais lui filer un coup de main pour se faire connaître dans la mesure du possible.
Je vais donc vous parler d’Abraham et de sa parole…
Ce type compose des poèmes et réalise des photographies. Bien sûr, il ne se sent ni écrivain, ni photographe, de toute façon, ce sera à vous de juger, lui, il se sent humain. Et il trouve que le monde déconne sacrément.
La métrique, les règles, le font chier. A l’identique, les émotions et les pensées brutes ne l’intéressent pas. Ce qu’il veut, c’est l’entre-deux, une espèce de poésie normale pour les gens normaux. Une poésie où l’on rit, s’interroge et pleure.
Derevo –le choix (variations sur une existence) symbolise cette idée, contrairement à ses carnets, qui eux, sont plutôt des notes intermédiaires entre une prise de notes rapide et une mise en forme achevée.
Mais, vous avez tout le loisir de juger par vous-même sur son site personnel : http://www.heart-attack.be/abraham/index.php?level=1&sub=18
Aussi, si vous désirez l’encourager sans dépenser toute votre fortune dans sa mine d’or, vous pouvez toujours cliquer sur un sponsor du site en le quittant. Pour les autres, voici un poème en six tableaux :
Par la lucarne
I
Nous étions deux plaisanciers sur l'océan tranquille,
L'horizon s'étalait dégagé et le vent respirait, docile.
Sous le plancher, quelques émotions cachées,
Ecumées par une lame de fond ;
Un air vague amorçait notre marche à reculons.
Il n'est pire eau que l'eau qui dort,
Tes Ray Bans tintaient nos émotions de noir.
Plus aucune poussée ne venait s'établir en contrefort.
Nos âmes dérivaient sans fin
Vers l'infiniment calme ;
Sur le point de plonger, je chaussais mes palmes.
II
Tu ne supportais pas le vide.
Tu ne l'avais jamais supporté.
Devant son immensité, tu perdais contenance.
J'absorbais une faible quantité de cantharide
Nous refusions le vide,
Nous repoussions l'abstinence.
Nous biaisions
Notre relation.
III
Le paysage se soudait
Derrière les vitres fumées de l'Audi A8,
Le calme emplissait
L'habitacle dans une étrange poursuite.
Il ne se passait rien.
L'autoroute étendait son bras
Dans une fresque épandue.
Le contact perdu
Se retrouvait au rythme de l'A3.
Encore, il ne se passait rien.
Nous dépassions alors Saint Luc,
Nous arrivions dans la ville au-delà du viaduc.
Et je n'avais plus vraiment sommeil ;
Je refermais le livre de Daniel.
Il ne se passerait plus rien.
IV
Nous nous sommes arrêtés dans un petit motel,
Le petit-déjeuner se servait jusqu'à dix heures,
Un peu de viande se logeait sous les croûtes,
Ce qui m'infligeait quelques aigreurs
Mais ravissait la clientèle ;
Notre voiture était restée sur le bord de la route.
Je me demandais quel genre de transitions
Pouvaient amener de tels lieux de passage ;
Tout mouvement m'apparaissait gelé
Au beau milieu du paysage.
V
Tes rêves se cognaient à l'intérieur de ton corps convulsé,
Ils peignaient un environnement enseveli sous tes neurones enchevêtrés.
L'alerte donnée, elle se diffusait au travers tes canaux
Pour atteindre l'ensemble de tes organes vitaux :
Les battements de ton estomac
Me parvenaient en de prompts soubresauts ;
Tu me plaisais, entièrement désorganisée ;
Car tu t'extrayais enfin de l'anonymat,
Tu existais.
VI
Insomniaque, tu ne t'es jamais plus réveillée.